"SI TU AS, C'EST POUR DONNER"

Publié le par Léon DABIRE, Théo I

Dimanche 26 Mars 2023

Homélie du 5e Dim.T. C. : Ez 37, 12-14 ; Ps 129 ; Rm 8, 8-11 ; Jn 11, 1-45

Frères et sœurs bien aimés de Dieu, rassemblés dans la communion ecclésiale en cet avant dernier dimanche du temps de carême, que la grâce et la paix de notre bien-Aimé Jésus-Christ soient toujours avec vous.

Depuis la nuit des temps, habitaient parmi les hommes deux sœurs. Bien qu’étant des sœurs, les deux ne s’entendaient jamais. L’aînée s’appelait Zoè et la cadette Thanatos. Zoè était d’une beauté de fée, elle était d’une beauté étincelante, elle était aimée de tous, et tous voulaient être en sa compagnie. Thanatos, quant à elle, était d’une laideur effroyable, personne ne l’aimait, personne ne voulait la rencontrer, et la simple évocation de son nom faisait trembler les fils des hommes, du plus petit au plus grand. Malheureusement, elle était assez guerrière et imposait à tous son rendez-vous. Les hommes, de toutes les manières, ont tenté de la dompter mais en vain. Elle était indomptable. Mais un jour, alors que Thanatos était en pleine randonnée mortifère, elle tomba entre les mains d’un Guerrier, d’un plus fort, issu de la race pure d’Israël qui la dompta.  Á ce Guerrier, on donna le nom de Kyrios. Et depuis ce jour, tous les hommes qui se confiaient à Kyrios étaient sauvés des mains de Thanatos.

Mais qui est Zoè, qui est Thanatos et qui est Kyrios ? Point besoin de réfléchir. Zoè est simplement celle que nous aimons tous, c’est-à-dire la vie, nous aimons tous la vie et nous voulons vivre (pas sida ? y a sida !!), Thanatos est celle qui nous aime tous et que personne n’aime, c’est-à-dire la mort, et Kyrios, c’est Jésus-Christ Ressuscité, le Vainqueur de la mort. Mais pourquoi ce détour ampoulé ? Il me semble, frères et sœurs, que la mort et la vie constituent les deux énigmes qui forment la trame de fonds des textes sacrés de ce jour. Dans la première lecture, au nom de sa miséricorde, le Seigneur promet d’ouvrir les tombeaux des fils d’Israël et de leur redonner vie par son Esprit : « Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai sortir O mon peuple ». Dans la deuxième, Saint Paul atteste que ceux qui vivent sous l’emprise de la chair mourront tandis que ceux qui vivent de l’Esprit du Christ auront la vie éternelle. Dans l’Évangile, Saint Jean nous parle de la mort et de la résurrection de Lazare. En somme, dans leur ensemble, les textes nous parlent de la mort et de la vie, mieux, ils nous annoncent le triomphe de la vie sur la mort préludé par la résurrection de Lazare. Mais en vérité, la résurrection de Lazare par Jésus est à lire comme le signe annonciateur de la Résurrection du Christ, cause et modèle de notre propre résurrection. « Je suis la Résurrection et la Vie : celui qui croit en moi, même s’il meurt vivra et quiconque vit et croit en moi, ne mourra jamais », déclare Jésus. Telle est la Bonne Nouvelle qui découle de la liturgie de ce jour et qui nous donne d’espérer une nouvelle vie qui transcende l’épreuve de la mort. On pourrait donc dire : « par-delà la mort, la vie ». Dès lors, une question ultime se pose : Que devons-nous faire pour avoir part à cette vie qui subsiste après la mort ? Une tentative de réponse à cette question nous conduit à nous appesantir sur deux thèmes majeurs dans la suite de notre méditation.

  1. La foi en Jésus-Christ, chemin d’espérance et de vie éternelle

Bien aimés de Dieu, quand nous pensons qu’un jour nous allons quitter cette vie pour être mis dans un tombeau aux ténèbres épaisses, nous devenons sombres et nous pouvons nous poser la question pourquoi sommes-nous nés si c’est pour mourir après ? En effet, pour beaucoup, la mort es un anéantissement absolu de l’être. On comprend pourquoi le poète Alphonse de Lamartine s’écriait : « quel crime avons-nous fait pour mériter de naître ? »

Cependant, pour nous chrétiens, baptisés dans la mort et la Résurrection du Christ, la mort n’est pas un anéantissement de l’être, mais un passage vers la vie éternelle. Et Saint Jean, à travers le récit émouvant et spectaculaire de la résurrection de Lazare, veut nous faire comprendre que la foi en Jésus-Christ est le chemin qui nous conduit de la mort à la bienheureuse immortalité. Mais arrêtons un peu sur le récit, pour en saisir la quintessence spirituelle.

 Lorsqu’on vint annoncer à Jésus la maladie de son ami Lazare, au lieu de se rendre ipso facto auprès de lui pour le guérir comme il l’a fait pour tant d’inconnus, Jésus décide de rester encore quelques jours à l’endroit où il se trouvait, comme pour permettre à son ami de mourir avant de se rendre au lieu. Étrangement, dès qu’il apprit que son ami était enfin mort, il dit à ses disciples « Je suis heureux de n’avoir pas été à la mort de Lazare, afin que vous croyiez ». D’un point de vue humain, à entendre cette affirmation de Jésus, on ne peut s’empêcher de lui reprocher son insouciance face à la maladie et à la mort de son ami.

 En réalité, il nous arrive aussi souvent de faire l’expérience de cette apparente insouciance de Jésus lorsque nous sommes dans la maladie, le deuil ou dans quelque difficulté. Mais pourquoi, une telle attitude de Jésus ?

Frères et sœurs, si Jésus est resté égal à lui-même face à la maladie et à la mort de Lazare, c’est pour nous révéler qu’il a pouvoir aussi bien sur la maladie que sur la mort et qu’aucune réalité humaine ne peut le troubler. Par voie de conséquence, Jésus nous apprend que si nous mettons notre foi et notre espérance en lui, nous aurons nous aussi non seulement la même sérénité devant toutes les adversités de la vie, mais bien plus, nous serons confiants devant la mort car elle deviendra une simple traversée vers la vie éternelle

Du reste, la préface de la commémoraison des défunts fortifie notre foi en la résurrection des morts en ces mots : « Pour tous ceux qui croient en toi Seigneur, la vie n’est pas détruite, elle est transformée, et lorsque prendra fin leur séjour sur la terre, ils ont déjà une demeure éternelle dans les cieux ». De même, l’exégète Gerd Theissen note avec justesse que la véritable foi est celle qui résiste à l’épreuve de la mort. Et c’est mue par cette foi inébranlable en Jésus, que Saint Thérèse de Lisieux, au soir de sa vie disait : « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie ».

En vérité, la mort est une réalité qui éprouve notre foi et nous amène parfois à nous demander si Dieu est réellement présent dans notre vie. Comme Marthe, il nous arrive d’être découragés de Jésus, de lui faire des reproches quand nous perdons un être cher. Mais au cœur de l’amertume de Marthe, Jésus ne l’a pas abandonné, mieux, il a saisi l’occasion pour lui donner une révélation solennelle qui constitue l’horizon ultime de tout l’Évangile de Jean et le cœur de toute la vie chrétienne : « Je suis la Résurrection et la Vie : celui qui croit en moi, même s’il meurt vivra et quiconque vit et croit en moi, ne mourra jamais ». Ayant entendu cette déclaration, Marthe fut touchée au plus profond d’elle-même et déclara : « Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu ».

Frères et sœurs, l’objectif ultime de ce récit était de nous conduire à la foi en Jésus-Christ qui seul peut nous ressusciter au dernier jour. Alors, que le Seigneur augmente en chacun de nous la foi.

Nous venons de voir que la foi en Jésus-Christ est le chemin qui conduit à la vie éternelle mais apprenons bien que la vie chrétienne ne se résume pas seulement à avoir la foi (la sola fide du protestantisme), elle suggère une manière de vivre en chrétien. Ce qui nous conduit au deuxième point de notre méditation.

2- La compassion et la vie dans l’Esprit comme chemin de sainteté

En pleurant la mort de son ami Lazare, Jésus voudrait nous enseigner une manière de vivre. Sachant qu’il allait tirer Lazare du tombeau, Jésus se laissa tout de même atteindre en ses entrailles par la douleur de Marie et de Marthe et il versa des larmes chaudes. Par cette attitude, il a non seulement manifesté son humanité et sa tendresse envers la famille de Lazare, mais aussi il a voulu par-là, nous rassurer qu’il compatît à nos douleurs lorsque nous sommes affligés.

Par ailleurs, il voudrait que nous soyons à notre tour des sources de consolation et de réconfort pour tous nos frères et sœurs qui sont dans l’épreuve. C’est pourquoi, nous devons avoir en ce saint temps de carême et toute notre vie durant, des paroles, des regards et des attitudes qui consolent, qui apaisent et redonnent vie. Il va sans dire que nous devons proscrire de notre vie, toute attitude ou toute parole qui accable et qui tue. Le chrétien est appelé à la vie, il doit répandre la vie autour de lui.

Pour nous rappeler notre devoir de compassion envers nos frères et sœurs, le Saint Concile Vatican II dans GS 1 disait : « les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps sont aussi les tristesses et les angoisses des disciples du Christ ». Concrètement et contextuellement dit, si nous voulons faire un pas de plus sur le chemin de la sainteté en ce saint temps de carême, il nous est impossible de fermer notre cœur et nos mains à la misère de toutes ces femmes, de tous ces hommes, de tous ces enfants innocents qui contre leur gré sont obligés de se retrouver dans nos rues et sur nos chemins pour mendier leur pitance quotidienne.

Frères et sœurs, le Seigneur ne nous demande pas de nous dépouiller pour aider les pauvres, non !! Il nous demande simplement de faire ce qui est en notre pouvoir pour les soulager sans les condamner et sans les mépriser.  Souvent, au lieu de laisser fléchir notre cœur devant la misère des pauvres, nous raisonnons plutôt sur leur situation en demandant : qu’est-ce-qui prouve que celui-là ou celle-là est un vrai pauvre ? (d’ailleurs même, il trop d’escrocs dans le pays). À ce propos, laissons-nous instruire par le Seigneur : « Celui qui ferme son oreille au cri du faible, criera lui aussi sans réponse » (Pr 21, 13). Simplement dit, si nous refusons d’aider les pauvres alors que cela est en notre pouvoir, quand viendra pour nous le temps de l’affliction, Dieu aussi fera la sourde oreille à notre cri de détresse.

Aussi rappelons-nous que l’équation de la charité envers le pauvre était déjà résolue avec les Pères de l’Église : « Si tu as, c’est pour donner », (si tu n’en as pas, il n’y a pas de problème, mais si tu as, c’est pour donner), et Saint Paul de préciser : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » Que le Seigneur ouvre notre cœur et nos mains à la compassion et à la charité en ce temps saint de carême.

 De plus, pour que notre conduite puisse plaire au Seigneur, Saint Paul, dans sa lettre aux Romains, nous invite à nous soustraire de l’emprise de la chair pour nous laisser conduire par l’Esprit du Christ. Mais comment savoir que nous vivons de l’Esprit du Christ ou que nous sommes sous l’emprise de la chair ? L’arbre se reconnait à ses fruits, nous dit le Maître. En nous référant à la lettre aux Galates où Saint Paul nous présente les fruits de l’Esprit et ceux de la chair, nous apprenons que si nous vivons dans l’impureté, la débauche, la haine, la discorde, la jalousie ainsi que dans les autres vices du même acabit, alors nous sommes sous l’emprise de la chair. Et Saint Paul de nous avertir que ceux qui se conduisent de la sorte n’hériteront pas de la vie éternelle.

En revanche, si nous vivons dans la charité, la bonté, la serviabilité, la maîtrise de soi, la douceur ainsi que dans les autres vertus du même genre, c’est la preuve que l’Esprit du Christ habite en nous. Pour ceux qui vivent de l’Esprit du Christ, Saint Paul atteste qu’ils auront en partage la vie éternelle.

Baptisés dans la Mort et la Résurrection du Christ, nous avons revêtus l’Esprit du Christ, puissions-nous nous laisser conduire par cet Esprit qui nous mènera jusqu’à la vie éternelle.

Frères et sœurs, par-delà notre foi en Jésus-Christ et nos bonnes actions, reconnaissons que nous sommes faibles et que sans la miséricorde de Dieu, il nous est impossible de parvenir à la sainteté. Conscients de notre faiblesse, apprenons à vivre dans l’humilité afin que la miséricorde de Dieu vienne au secours de notre misère. À la suite du psalmiste, implorons le pardon de Dieu : « Si tu retiens les fautes, Seigneur, Seigneur qui subsistera ? Mais près de toi se trouve le pardon pour que l’homme te craigne » (psalmodier).

Que Dieu tout Puissant nous fasse miséricorde, qu’Il augmente en nous la Foi, l’Espérance et la Charité, qu’Il nous fasse don de sa Paix et nous conduise avec joie au matin de Pâques. Lui nous qui aime maintenant et pour les siècles des siècles.

Diacre AKA Damien

Diocèse de Dédougou

Grand Séminaire Saint Jean-Baptiste de Wayalghin

26/03/23

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