Notre Dieu souffre de nos souffrances

Publié le par DABIRE Léon Théo. I

Notre Dieu souffre de nos souffrances

Deuxième dimanche de l’Avent : Is 11, 1-10/Ps 71/Rm 15, 4-9/Mt 3, 1-12

Chers frères et sœurs, peuple saint de Dieu, nous qui vivons aujourd’hui au Burkina Faso dans une situation sécuritaire précaire et désolante, envahis par les semeurs de guerre, terrifiés devant tant de concitoyens agressés et tués, je crois que dans nos cœurs si assoiffés de paix, doivent résonner comme une bonne nouvelle dont nous souhaitons tous la réalisation hâtive, ces paroles du psalmiste : ‘’en ces jours-là justice fleurira et grande paix pour toujours’’. La paix, la paix pour toujours… ! Et de fait, les textes liturgiques de ce 2ème dimanche du temps de l’Avent, dans leur ensemble, constituent une bonne nouvelle en ce sens qu’ils élèvent nos regards vers un avenir radieux : l’établissement d’un règne de paix, de justice, d’amour par l’avènement du Messie, du Royaume de Dieu. Alors, pour entrer dans l’intelligence de ces textes, notre méditation s’articulera autour de deux points : d’abord la figure du Messie et ensuite l’accueil du Royaume.

  1. La figure du Messie

Que ce soit au temps du prophète Isaïe dans la 1ère lecture qu’au temps du prophète Jean-Baptiste dans l’évangile, Israël, le peuple de Dieu, est dans une situation de crise : il est menacé, assailli, et même dominé par des nations païennes : l’Assyrie au temps d’Isaïe et Rome au temps de Jean.  Désemparés devant ce désastre, les fils d’Israël étaient tentés de faire alliance avec d’autres puissances militaires païennes ou de simplement se compromettre avec les occupants païens pour assurer leur propre survie. C’est dans ce contexte de désorientation que Yahvé, par la bouche de ses prophètes, leur fait savoir que leur salut ne viendra pas d’ailleurs ; leur salut ne viendra d’aucune puissance ou royaume païen et terrestre mais de lui Yahvé qui fera surgir d’au milieu de son peuple son Messie pour qu’il établisse son royaume. Mais à quoi renvoie ce Messie ?

Ce Messie, c’est la présence salvifique, salvatrice de Dieu lui-même au milieu son peuple. Il est façonné par l’esprit de Yahvé, esprit de sagesse, d’intelligence, de force, de conseil et de justice. En quelque sorte le Messie dit, signifie et réalise la présence de Dieu. C’est pourquoi son règne est règne de justice, d’équité, de fidélité à Dieu, et surtout de paix. Mêmes les violences de la prédation naturellement installées entre les êtres vivants sont abolies. Le loup qui dévorait l’agneau devient son hôte ; le lion, de prédateur des veaux devient leur compagnon de pâturage ; l’enfant et le serpent dont l’un devait mordre le talon de l’autre et l’autre écraser la tête de l’un deviennent des compagnons de jeu. Alors quel est l’enseignement qui se profile derrière tout ce messianisme ?

Bien-aimés de Dieu, tout cela nous montre et nous enseigne que le Dieu que nous avons est un Dieu de délivrance, de salut, qui s’engage et s’implique dans nos vies, dans notre histoire. Il ne s’agit pas d’un Tout-Puissant ou d’une transcendance métaphysique tranquillisé et sécurisé quelque part dans un ciel paisible d’où il contemplerait avec indifférence les horribles errances et misères de notre terre. Non ! Notre Dieu est engagé et s’engage toujours dans nos insécurités, dans misères, dans nos souffrances, dans nos familles en panne d’entente, dans nos espoirs et rêves déçus, dans nos échecs, dans nos projets à avenir incertain, souffre de nos souffrances, se blesse de nos blessures, pleure de nos pleurs et meurt de notre mort et de nos morts. Cela ce n’est pas de la rhétorique ou de la simple poésie. C’est un concret manifeste sur la croix ! Oui ! Notre Dieu voit, connait et vit nos alarmes. C’est pourquoi il nous envoie son Messie pour nous communiquer son salut, sa présence et nous délivrer de tout ce qui nous aliène. Alors quelque soient les tribulations de nos existences, quelques soient les problèmes que nous pouvons vivre, il n’y a pas à regarder ou aller ailleurs. Notre Dieu est là et notre salut se trouve en lui et nulle part ailleurs. Son Royaume est proche, son salut nous est promis, son Christ nous a tous accueillis pour sa gloire. À nous maintenant de savoir l’accueillir pour rendre féconde et fructueuse sa présence dans notre vie.

 

  1. L’accueil du Royaume

Bien-aimés de Dieu, une des leçons que nous pouvons tirer de l’histoire du salut c’est que Dieu ne s’impose jamais et n’impose jamais rien à l’homme.  Il se propose et propose toujours. C’est à l’homme à s’engager pour collaborer, œuvrer avec Dieu pour que sa présence toujours gratuitement donnée devienne présence salvifique, salvatrice pour lui-même. C’est pourquoi St Augustin nous enseigne que le Dieu qui nous a créés sans nous ne nous sauvera pas sans nous. Alors le salut qui est promis, le règne de paix qui vient ne tombera donc pas magiquement du ciel pour s’établir dans nos cœurs, dans nos familles, dans nos milieux de vie, malgré nous et sans nous. Non ! Pour que le Royaume de Dieu se réalise en nous et autour de nous, nous devons y collaborer en nous engageant nous-mêmes à nous convertir en réajustant incessamment l’univers de notre vie, de nos relations selon la logique de la justice, de la paix, de la fidélité et de l’amour.

Bien-aimés de Dieu, nous ne pouvons pas, par exemple, continuer à prier pour la paix dans nos familles, dans nos nations et vouloir que Dieu nous la donne, pendant que nos cœurs sont gonflés de haine, de méchanceté, de rancune, d’esprit de vengeance, nos lèvres pleines de toutes sortes de diffamations, de calomnies, de paroles blessantes et provocantes, de médisance. Nous ne pouvons pas continuer à prier pour la justice et vouloir que Dieu nous la donne pendant que nos cœurs couvent des instincts et appétits égoïstes de cupidité, d’avoir, de pouvoir et de valoir dont la satisfaction demande la compromission dans la corruption et l’indifférence face au bien et à la vie des autres. Non ! Ce n’est pas logique, ce n’est pas conséquent, ce n’est pas honnête. Prier vraiment pour la paix et l’amour, se préparer à accueillir le Messie qui vient pour que règnent la paix et l’amour dans nos cœurs, dans nos familles, dans nos milieux de vie c’est déjà, dans l’aujourd’hui de notre vie, nous engager à tisser des relations et à poser des comportements qui reflètent la paix et l’amour, la justice et la vérité, l’espérance et l’hospitalité mutuelle.

Frères et sœurs, demandons donc à Dieu la grâce de nous ouvrir à ses appels de conversion afin de nous insérer résolument dans son projet d’amour et de salut sur l’humanité. C’est alors seulement que nous pourrons accueillir le Messie qui vient pour nous donner la Vie ! Oui qu’il vienne Jésus-Christ, Messie de Dieu, établir son règne de paix dans nos cœurs, dans nos familles et surtout dans notre pays en quête de paix et de sécurité, qu’il convertisse les cœurs de nos frères qui ont fait le choix de la guerre, puissent ces frères devenir un jour nos compagnons de jeu, de danse, de chant, d’exultation devant la paix, la sécurité, la concorde pour toujours revenue dans notre cher Faso, et qu’il fasse de nous-mêmes chaque jour davantage des artisans de paix, d’unité, d’amour dans nos milieux de vie, Lui qui vit et règne avec le Père dans l’unité du St Esprit, un seul et même Dieu pour les siècles des siècles. Amen !                                             

 

 

Constantin BELEM

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