« AVEC LA CROIX, PASSONS DES TÉNÈBRES DE LA MORT À LA LUMIÈRE DE LA RÉSURRECTION » / RECOLLECTION DU VENDREDI SAINT 2020.

Publié le par Grand Séminaire Wayaghin

« AVEC LA CROIX, PASSONS DES TÉNÈBRES DE LA MORT À LA LUMIÈRE DE LA RÉSURRECTION » / RECOLLECTION DU VENDREDI SAINT 2020.

Introduction

Bien-aimés de Dieu, depuis le mercredi des cendres, nous avons pris le chemin du carême, chemin sur lequel, nous devrions observer trois stations essentielles afin de vivre concrètement et de manière profonde notre ascension spirituelle, A savoir, le jeûne le partage et la prière. Le Christ lui-même a emprunté ce chemin pour nous ouvrir les portes de la vie. Et St Thomas d’Aquin d’insister qu’il fut nécessaire non seulement comme remède à l’égard de nos péchés, mais aussi comme exemple pour notre conduite. A travers le jeûne, le partage et la prière, nous avons, chacun à sa manière, emprunté avec le Christ le chemin de la croix. Un Chemin pénible car jalonné de la souffrance du renoncement, de la prise de conscience de notre faiblesse et celle du monde. Nous y avons porté dans nos cœurs la lourde croix de nos péchés, ainsi que la misère de nos frères et sœurs à la suite de notre Seigneur vers Golgotha. Mais si cette souffrance était pour nous une nécessité, c’est parce qu’au bout des épreuves nous avons l’espérance de la Résurrection au matin de Pâques. Pour nous chrétiens, le chemin du carême n’est pas une simple mortification ritualiste. Il est encore loin d’être une contrainte au dolorisme. Le chemin du carême est un chemin de vie, et un chemin qui conduit à la vie. En effet, c’est sur ce chemin que l’Eglise nous apprend à perfectionner notre vie dans le jeûne, à apporter de la vie aux autres dans le partage, et à communier à la vie de Dieu dans la prière. Dès lors, le chemin de la croix revêt une grande importance pour nous chrétiens, et nous devrions le vivre de sorte à faire de chaque carême un pas de plus vers la réalisation de notre être chrétien, une renaissance avec le Christ dont l’amour nous a affranchis des ténèbres du péché à la lumière de la Résurrection. Pour ce faire, je nous propose de revisiter dans cette méditation la passion du Christ en trois étapes :

  1. L’heure de la domination des ténèbres

Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui nous donne quotidiennement d’innombrables spectacles à observer. Des scènes de violences, d’injustices, de méchanceté, la souffrance de la faim et de la maladie. Tous ces évènements qui blessent la quiétude sociale et l’épanouissement de l’être humain sonnent comme des conséquences du refus de la Lumière qu’est le Verbe fait chair. Il est la Lumière venue dans le monde pour éclairer le cœur de l’homme afin qu’il puisse choisir la vie. Ce refus qui jadis avait plongé Adam et Eve dans la triste histoire du péché originel, continue de pousser notre humanité à imaginer une possible vie de bonheur sans Dieu. Et cette volonté de vivre sans la Lumière divine a atteint son point culminant le jour du vendredi saint à travers la mise à mort du Fils de Dieu. La suppression de Dieu dans la conscience des hommes, colonisée par le prince de ce monde. C’est la domination du mal, le règne des ténèbres dans le cœur de l’homme, l’incapacité à connaitre et à choisir le bien. L’Evangéliste Luc insistant sur cette considération du Christ comme lumière du monde, mentionne a sa mort l’instinction du Soleil jusqu’à la neuvième heure. Comme l’astre qui s’éteint, l’obscurité se fit sur toute la Terre. Si la mort du Christ symbolise le règne des ténèbres c’est que tout acte humain marquant un refus du Christ constitue un pas vers le monde des ténèbres. Ainsi ce jour nous interpelle tous à méditer sur nos actes qui infligent tant de souffrances aux vertus qui devraient éclairer l’agir humain.

  1. La trahison de Juda, la foi en souffrance

Selon les Evangélistes, c’est la possession diabolique qui serait la cause de la trahison de Judas, quand il eut pris la bouchée, Satan entra en lui. St Jean insiste sur un des vices qu’il aurait développé en lui : le vol. Ce souci de gain facile l’aurait conduit à préférer la modique somme de trente pièces à la vie de son maître. Les exégètes quand à eux soulignent la déception que Judas aurait eu par rapport à la mission de Jésus. Tandis qu’il attendait un messie qui délivrerait Israël de l’emprise romaine, Jésus vient prêcher le pardon, et même l’amour des ennemis. Nous pouvons dire que toutes ces interprétations se rejoignent et peuvent s’entendre dans le sens d’une crise de foi : une crise de foi qui conduit à un manque de confiance en Jésus ; ce qui donne à Satan l’occasion facile de détourner l’esprit de Judas contre Jésus. Une crise de foi qui conduit à la non acceptation du Christ comme l’unique bien nécessaire de l’homme, cela pousse Judas à avoir plus confiance aux biens terrestres qu’il essaie d’accaparer par tous les moyens. Enfin, une crise de foi qui accentue l’incompréhension sur le sens de la mission de Jésus. Au lieu de croire afin de comprendre comme le préconisait saint Augustin, Judas a préféré donner une orientation personnelle à cette mission.

Bien-aimés de Dieu ! La foi est la lumière de l’Esprit qui permet à l’homme de voir les réalités essentielles de la vraie vie. Et le Christ nous le révèle en (Jn 12,46)  « Moi, lumière, je suis venu dans le monde, pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres ». Dans son encyclique, lumen Fidei, publiée en 2013, le Pape François disait ceci : « il est urgent de récupérer le caractère particulier de lumière de la foi parce que, lorsque sa flamme s’éteint, toutes les autres lumières finissent par perdre leur vigueur. La lumière de la foi possède, en effet, un caractère singulier, étant capable d’éclairer toute l’existence de l’homme ». La crise de la foi est un acte réel qui participe à la domination des ténèbres dans notre monde. Bien-aimés de Dieu, si le Christ a été livré à la souffrance à cause du manque de foi, notre monde est-il moins coupable dans cette souffrance ? En d’autres termes, sommes-nous moins coupables dans cette souffrance du Christ ?  Il va sans dire, que la passion du Christ continue face aux actes d’incrédulité qui nous font douter de la présence de Dieu dans nos vies, de son amour pour nous, et de sa volonté de nous sauver. Et au pire des cas, face à l’abandon de Dieu par l’homme, dans l’illusion d’un bonheur terrestre.

  1. L’abandon des disciples, l’amour en souffrance

« Même si une mère peut abandonner son fils, moi le Seigneur je ne t’abandonnerai jamais ». (Cf. Is 49,15 ; Ps 27,10). Dieu, au lieu de nous abandonner à cause de nos péchés s’est plutôt abandonné totalement entre nos mains en s’incarnant dans notre monde, en se faisant l’un de nous, en se donnant à nous à chaque Eucharistie. Un amour sans condition qui fait de toute la vie de Jésus une pro-existence pour les hommes. Cependant dans les moments douloureux de sa vie, cet amour qu’il a vécu et enseigné se voit complètement bafoué devant la peur, et les inquiétudes qui ont saisi ses disciples. Ceux-là mêmes à qui il a enseigné les secrets du royaume, à qui il a révélé que le plus grand amour est de donner sa vie pour celui qu’on aime. Par là, nous voyons que l’amour humain est pétri de faiblesse. Un amour qui se laisse ébranler par le cours des évènements de notre existence. Un amour sur lequel rien ne peut être fondé. Or voici que le Christ venait de confier la charge de son Eglise à Pierre, juste avant d’entrer à Jérusalem : « tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ». Quelle douleur donc d’entendre ce même Pierre déclarer à trois reprises : « je ne le connais pas » ? Mais Jésus ne se décourage pas, sachant que l’Esprit est ardent mais la chair est faible. Son amour pour le monde suffit à acception les humiliations prévues pour relever l’homme des tendances de la chair qui le pousse dans les œuvres de ténèbres. L’humanité est ainsi conviée à redécouvrir le vrai sens de l’amour, qui est don de soi. L’amour vrai consiste à se sacrifier plutôt qu’à sacrifier l’autre. Malheureusement, la passion de Jésus n’est pas moins douloureuse aujourd’hui qu’au temps de ses disciples. Il existe encore des gens qui professent leur foi au Christ mais qui ne sont jamais prêts à sacrifier un seul de leurs intérêts pour la cause de ce même Christ. Au cours de l’histoire et peut-être encore aujourd’hui, l’Eglise n’a cessé d’enregistrer des crises d’apostasie, négation de la foi en Dieu. Et le Christ continue de souffrir pour son amour sacrifié aujourd’hui sur l’autel de la peur, de l’ignorance, du fanatisme, et des intérêts égoïstes. Nos manques d’amour les uns envers les autres nous plongent dans les ténèbres de la haine et ferment nos yeux sur le sens de la vérité dans nos jugements.

 

 

  1. La condamnation de Pilate, la Vérité en souffrance

Pilate, bien qu’étant une autorité au sein du peuple, n’a pas résisté aux exigences des notables juifs qui demandaient la condamnation à mort de Jésus. Après avoir reconnu l’innocence de celui-ci, Pilate cède tout de même à la pression populaire et le livre aux soldats pour qu’il soit crucifié. Voilà un procès dont le sort du coupable dépend de la décision de ses bourreaux. Pour Jésus, l’heure n’est pas à se défendre. S’étant rendu compte que Pilate lui-même ignorait le sens de la vérité, il garda le silence. Alors l’ignorance humaine va jusqu’au bout : condamnation du juste, relâchement d’un coupable, triomphe de l’injustice. A travers ce procès, Jésus nous laisse voir ce fardeau qui pèse sur les épaules de notre humanité. L’injustice ou le manque de la vérité. La crise de la vérité participe également à la domination des ténèbres dans la passion de Jésus. Rappelons-nous que le Christ s’est révélé à nous comme chemin, vérité et vie (Jn 14,6). Comme pour nous apprendre que le chemin qui conduit à la vie ne peut être que le chemin de la vérité. Ou mieux, le chemin qui passe par la vérité conduit à la vie. Par contre le manque de la vérité devient un mal qui fait souffrir et qui conduit à la mort. Jésus ne pouvait donc pas échapper à la condamnation de Pilate, qui ne connaissait pas ce que c’est que la vérité. Car seule la Vérité rend libre. L’humanité git toujours dans ces ténèbres, et l’on peut dire aujourd’hui encore que la passion du Christ continue, dans les tribunaux où la vérité est parfois objet de marchandage, dans le monde économique où la corruption baptisée du nom de ‘‘business’’ devient objet de concurrence, dans les rapports interpersonnels où l’hypocrisie cache les vraies identités.

Dès lors, la vérité relayée au rang des choses dérangeantes et méprisables est parfois négligée avec bonne conscience, étouffant notre humanité dans le péché du mensonge. Mais fort heureusement, sur la croix Jésus nous propose une bouffée d’oxygène  pour notre rachat : le pardon. « Père pardonne leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Ainsi des ténèbres de nos péchés Dieu lui-même nous permet d’espérer la vie. (Chant : 1. Rayonne sur le monde qui cherche la Vérité Ô Croix source féconde d’amour et de liberté. Ref : Victoire tu règneras, Ô Croix tu nous sauveras)

  1. L’heure de l’espérance à la vie

Les douloureux moments de la passion nous ont révélé les crises qui font souffrir notre humanité et partant, c’est la passion du Christ qui est sans cesse renouvelée. A chaque fois que l’homme dans son agir refuse de se laisser éclairer par la lumière de la foi, de l’amour et de la vérité, c’est le cœur du Christ qui est ainsi transpercé, lui que le Père nous a envoyé comme lumière du monde. Si la mission du Christ est de sauver notre monde des ténèbres de la mort, il reste que l’efficacité de cette mission nécessite d’abord que nous le reconnaissions comme Sauveur dans la foi, ensuite que nous acceptions qu’il nous sauve en vérité, enfin que nous demeurions avec lui dans l’amour. Sur la croix, Jésus a pu réaliser la victoire de son combat à travers la profession de foi du centurion romain, la demande du salut du bon larron, et la proximité de Marie sa mère et le disciple qu’il aimait au pied de la croix.

  1. Le centurion romain, espérance de la foi

Un centurion est un officier romain qui commande une centaine de soldats. C’est essentiellement les synoptiques qui font mention de la présence du centurion romain à la mort du Christ. Seul Mathieu souligne son rôle comme faisant partie des soldats qui gardaient Jésus crucifié (Mt 27, 54.). Cependant tous soulignent l’impérieuse révélation qu’il a faite en assistant à la mort de Jésus : « Vraiment cet homme était fils de Dieu » (Lc 23,47 ; Mc 15, 39). Les évangélistes veulent montrer qu’une telle profession de la nature divine de Jésus, sortie de la bouche d’un païen, ne vient pas du fait d’être juif, ni même de l’enseignement de Jésus, mais d’une compréhension intime et personnelle du sens de la mort de Jésus : un acte de foi. Témoin des évènements qui viennent de se produire, le centurion se laisse convaincre de l’authenticité de la mission de Jésus. Aussi, cette révélation provenant d’un païen montre également que l’Evangile de Jésus Christ Fils de Dieu est maintenant prêché parmi toutes les nations. C’est ainsi les évangélistes mentionnent qu’au même moment « le rideau du Temple se déchira du haut jusqu’en bas ». Ce voile qui séparait la partie la plus sacrée du temple est enlevé pour toujours. Désormais, tous les hommes ont accès à la présence de Dieu. L’universalité du Salut est déjà une réalité. Et la mort de Jésus annonce déjà une victoire : celle de la foi qui fait naitre en Dieu. Dès ténèbres couvrant donc la Terre, jaillit la lumière de la foi qui ne s’éteindra plus. Le doute sur la messianité de Jésus qui avait poussé Judas à le livrer vient d’être levé. Jésus est vraiment le Fils de Dieu, venu rétablir la vie de l’homme avec Dieu le Père. Au-delà d’un simple constat, les Evangélistes nous situent au centre d’une profession de foi. Bien avant, l’annonce du Kérygme par les apôtres, avant même sa résurrection, l’identité du Christ est déjà proclamée.

Bien-aimés de Dieu ! C’est le témoignage d’une telle foi, jaillie d’un constat personnel, ou d’une rencontre personnelle avec Jésus Ressuscité qui donnera à tout disciple du Christ de susciter la conversion au monde et l’accueil de la vérité de la foi. Pour nous en particulier, qui avons tant de connaissances théologiques sur les différents aspects de la vie du Christ, il convient de nous approprier ces connaissances par l’expérience constante de la rencontre personnelle du Christ crucifié et ressuscité. Afin de pouvoir dire comme les samaritains, nous ne croyons plus à cause de ce que nous avons appris, mais à cause de ce que nous avons vécu avec lui. Il est vraiment le Fils de Dieu, il est vraiment notre Sauveur (Cf. Jn 4, 42).

  1. Le larron pardonné, espérance de la Vérité

« L’un des malfaiteurs crucifiés l’injuriait, disant : N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et sauve-nous. Mais l’autre le reprenait, et disait : Ne crains-tu pas Dieu, toi qui subis la même condamnation ? Pour nous, c’est justice, car nous recevons ce qu’ont mérité nos crimes ; mais celui-ci n’a rien fait de mal ! » (Lc 23, 39. 40-41). A la fin de sa mission sur Terre, la vie de Jésus se trouve intimement liée au destin de trois bandits : Barabbas, et les deux larrons crucifiés en même temps que lui. Jésus partage l’expérience de ces gens réputés être hors-la-loi ; ceux que la justice humaine a coutume de condamner. Jésus le Juste par excellence est compté parmi les coupables et il subit la même peine que ceux-ci selon la justice humaine. Mais par cette peine, l’amour de Dieu apprend à l’homme la vraie justice. Une justice qui ne condamne pas le pécheur mais le péché. Mais une justice que l’homme doit reconnaitre et accueillir dans la vérité. Le bon larron vient d’affirmer publiquement l’injustice du jugement de Pilate sur la condamnation de Jésus. Jusque-là la foule suivait muette, personne n’osant se prononcer sur cette sentence injuste. Le premier larron reprenant le style du tentateur au désert, comptait le pousser à une solution miracle de sa souffrance. ‘‘Si tu es le Christ sauve-toi toi-même et nous avec’’. Jésus ne lui adresse aucun mot, tout comme il avait refusé de faire des miracles pour prouver sa divinité. En effet, ces miracles ne suffisent pas pour révéler la vérité de sa personne. Ce qu’il est ne peut se contenir dans ce qu’il fait. Le premier larron représente le monde qui veut être sauvé sans reconnaître le jugement. Pourtant pour connaitre la valeur du Salut de Dieu, il faut d’abord faire la vérité sur soi-même, mesurer la grandeur de sa culpabilité afin d’accueillir le pardon qui est pure grâce. Le bon larron, quant à lui, était prêt à souffrir pour les crimes qu’il avait commis en ce monde, afin d’en être affranchi dans léternité. Il reconnait son tort et remet le fardeau de ses péchés entre les mains de celui qui a porté les péchés du monde entier, et il a été assuré d’être aux côtés de Jésus dans le Paradis. Parfois nous tombons dans le piège d’une illusion spirituelle nous poussant à de faux jugements sur notre vie de foi. Comme le souligne l’Ab Jean-Baptiste Sanou, « la grande tentation pour beaucoup de chrétiens aujourd’hui, c’est de vouloir vivre un christianisme sans croix »[1]. N’es-tu pas chrétien pourquoi ces souffrances ? N’es-tu pas séminaristes pourquoi ces échecs ? C’est l’erreur de lier toute chose à nos mérites humains, tout en oubliant la bonté et la miséricorde divine. Il nous faut donc accepter la vérité de Dieu en nous. Accepter la vérité de Dieu c’est reconnaitre notre faiblesse et le besoin de la grâce. C’est aussi accepter de nous soumettre au projet d’amour que Dieu a sur chacun de nous, à l’instar de Marie dans la passion de son Fils.

  1. Marie et le disciple aimé au pied de la croix, espérance de l’amour

« Près de la croix de Jésus se tenait sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas et Marie de Magdala. Jésus donc, voyant sa mère et se tenant près d’elle le disciple qu’il aimait dit à sa mère : ‘‘Femme voici ton fils’’. puis il dit au disciple : ‘‘ voici ta mère’’ ». Durant son ministère public Jésus a toujours fait face à l’écrasante affluence de la foule. Il se donnait de la peine à rejoindre les malades et les nécessiteux pour leur apporter non seulement la consolation de sa présence, mais  aussi la guérison de l’âme et du corps. Ce qu’il faut toujours admirer, c’est cette proximité divine avec l’humanité dans tous ses états de vie. L’amour de Jésus pour les hommes est un amour total qui s’accomplit dans son désir de rassembler tous les hommes dans la miséricorde du Père. Cependant les hommes n’ont compris cela que lorsque tout allait bien. Dieu est amour quand il multiplie le pain, il nous aime quand il guérit les malades, il nous aime quand il chasse les esprits mauvais. Mais pouvait-il encore nous aimer quand il avait les mains liées devant Pilate ? Quand il portait le bois vers le Golgotha, quand il attendait l’heure de la mort sur la croix ? Ou quand il se dit présent en chaque homme qui souffre ? Sommes-nous capables de reconnaitre en ce moment le même Christ ? Ce doute lui a donné de faire l’expérience de la solitude, signe d’abandon. « Même l’ami qui partageait mon pain m’a frappé du talon ». A l’amour total de Dieu, l’homme donne une réponse partielle déterminée par les circonstances de la vie.

 

[1] J. SANOU La configuration du prêtre au Christ, Bon Pasteur, l’Harmattan, Paris, 2017, 85.

Mais l’évangéliste Jean nous permet de croire que ce comportement humain ne peut mettre fin à l’Amour entre l’homme et Dieu. Marie sa Mère, au-delà de la tendresse maternelle qu’elle a pour son fils, représente toute l’humanité en quête de la proximité avec Dieu. Près de la Croix, preuve de l’Amour de Dieu, se trouvait sa Mère plus deux autres femmes (Marie femme de Cléophas et Marie de Magdala) et le disciple aimé ; ce qui porte le nombre à 4 personnes. Un chiffre qui, dans la littérature johannique symbolise le monde créé. L’amour vrai n’est donc pas perdu dans le monde. Il peut rejaillir à nouveau dans chaque cœur humain pour accueillir le don de l’amour divin, même au sommet de la souffrance. Après sa résurrection, Jésus conduira Pierre à la découverte de cet amour vrai, avant de lui confier la charge de son troupeau : « Pierre m’aimes-tu ? » Chers frères, pasteurs et futurs pasteurs, l’amour seul est digne de confiance, c’est lui qui a sauvé le monde et c’est avec lui que nous pouvons sauver les hommes de leur misère. Marie est pour nous l’exemple parfait, elle n’a pas abandonné son fils dans la solitude au Golgotha. Le Christ lui-même nous invite à son école, en nous la donnant pour mère. Celle qui peut nous éduquer à cet amour. Laissons-nous donc guider par son exemple pour retrouver la joie de l’amour fraternel qui disposera nos cœurs à accueillir la lumière de la résurrection. (Chant : lumière des hommes nous marchons vers toi. Fils de Dieu tu nous sauveras)

  1. L’heure de la Résurrection

« Par la fête de Pâques (nous dit Ab Paul), l’Eglise nous invite à célébrer le triomphe éternel du Christ ressuscité, triomphe sur le péché et sur la mort, triomphe qui nous concerne tous au plus haut point, puisque, nous aussi, nous sommes appelés à participer à la Pâque du Seigneur, c’est-à-dire au passage de la mort à la vie »[1] La Pâques du Seigneur est aussi notre Pâques : la Résurrection de l’homme. Une résurrection qui appelle une vie nouvelle. Dans cette vie nouvelle, nous avons la lumière du Christ que représente le cierge pascal pour orienter notre regard sur le droit chemin. Et avec le baptême nous nous sommes revêtus de cette lumière pour la faire briller au monde.

  1. La Pâques, notre nouvelle naissance

Le mot Pâques, de l’hébreu Pesach signifie passage. La Pâques est un passage de la servitude à la liberté, passage par la mort pour une vie nouvelle. La célébration de Pâques nous situe en mémoire plusieurs réalités : La pâque du peuple hébreu à la sortie d’Egypte, la Pâques qu’a vécue le Christ il y a 2000 ans, notre Pâques d’aujourd’hui, et la Pâques éternelle dans le Royaume de Dieu. Les juifs commémorent chaque année la grande libération opérée par Dieu lors de la sortie d’Egypte. Jésus lui-même a célébré cette pâque avec ses disciples avant sa passion. Cette première pâque était célébrée autour d’un agneau, dont le sang répandu sur les linteaux des maisons avait pour but de préserver les israélites de la mort.  Dans la Nouvelle Pâques qui est notre Pâques aujourd’hui, Jésus est lui-même l’agneau pascal, sacrifié pour la vie du monde, pour sauver tous les humains du mal et de la mort. En Jésus s’accomplit le véritable passage du monde de l’esclavage à celui de la liberté, le passage de la mort à la vie. Mais en ce passage Jésus l’accomplie avec toute l’humanité.

La sortie victorieuse du Christ de son tombeau est pour l’humanité entière, le début d’une nouvelle vie qui n’est plus celle qui nous vient directement d’Adam. Le Christ est à juste titre le second Adam qui a brisé la mort et a fait resplendir la vie en la purifiant du péché. Saint Paul établit cette comparaison pour montrer que l’humanité acquiert une vie nouvelle avec le Christ. « Comme la faute d’un seul a entrainé sur tous les hommes une condamnation, de même l’œuvre de justice d’un seul procure une justification qui donne la vie ». (Rm 5,18). Cette justification s’actualise dans la mort et la résurrection du Christ pour la Rédemption du monde. Ainsi, si de Adam au Christ l’humanité était dans le règne du péché, à partir de Jésus Christ, l’homme est introduit dans le monde de la grâce. En célébrant donc la fête de la Pâque, nous célébrons le passage de l’ancien monde au monde nouveau. Et de façon personnelle, chacun abandonne la vie du vieil homme pour revêtir l’homme nouveau dans le Christ. Pour symboliser cette nouvelle naissance, la tradition prévoit dans la liturgie pascale la célébration des sacrements de l’initiation chrétienne, et aussi le renouvellement de la profession de foi baptismale pour tous les baptisés. Le baptême par lequel l’homme meurt avec le Christ pour vivre avec lui de sa vie nouvelle, la confirmation qui marque le chrétien du sceau du Christ et lui donne l’Esprit Saint, l’Eucharistie qui est le repas sacré de la Nouvelle Alliance. Ainsi pour accueillir cette vie nouvelle avec le Christ il nous faut accepter traverser avec lui la mort du vendredi saint.

 

[1] Ab Paul, Le dessein de Dieu et les merveilles de son amour miséricordieux. Editions TEQUI, Paris, 2002, 226

  1. Accepter notre mort avec le Christ

Si le Christ a pris sur lui nos fautes pour souffrir et nous ouvrir la porte de la vie, c’est pour nous montrer que pour franchir cette porte, il nous faut aussi passer par celle de la croix, instrument de notre sanctification. Porter sa croix, mourir afin de vivre : Voilà le chemin de vie que le Christ nous donne. Mais que veut dire porter sa croix ? D’abord disons que la croix n’est jamais objet de plaisir, encore moins une réalité attirante pour qui que ce soit. Jésus n’est pas non plus allé chercher sa croix, il l’a prise sur lui, par obéissance à la volonté du Père. Il nous faut donc contraindre notre volonté et notre liberté si nous voulons emprunter ce chemin de vie.  C’est mourir à soi-même que de porter sa croix à la suite du Christ. Selon St Alphonse de Liguori, la passion du Christ nous invite à la purification de notre être, et pour cela nous devons la comprendre ainsi : « le Christ voulut, dans sa passion, être cloué à la croix, pour expier l’abus que nous avons fait de notre liberté. Il voulut expier notre avarice par sa nudité, notre orgueil par ses humiliations, notre envie de dominer par sa soumission aux bourreaux, nos mauvaises pensées par sa couronne d’épines, notre intempérance par le fiel qu’il goûta, et nos plaisirs sensuels par les souffrances de son corps ». C’est donc dire que suivre le Christ dans sa passion n’est rien d’autre qu’un profond renoncement à la vaine gloire que nous propose le monde. C’est en cela que nous devrions comprendre la portée salvatrice du vendredi saint, et la nécessité pour tout disciple du Christ de le vivre réellement.

Par ailleurs, le vendredi saint nous rappelle l’endurance et la détermination de chaque chrétien à aller jusqu’au bout sur le chemin de la foi. Le Christ a choisi de nous sauver et pour cela il est allé jusqu’au bout dans ce choix en assumant toutes ses conséquences. En choisissant de suivre le Christ, nous devons accepter aussi toutes les conséquences inhérentes à ce choix. Dans l’engagement chrétien, des souffrances ne manquent pas et plus encore pour nous disciples du Christ, dans notre engagement à servir le Christ, il nous arrivera peut-être de faire l’expérience des accusations, des trahisons, des reniements et même de l’abandon. Alors « méditez l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité, et vous ne serez pas accablés par le découragement » (He 12,3). Porter la croix, c’est rester disponible à Dieu et de se laisser surprendre par ses desseins. C’est cet abandon confiant que le Christ nous enseigne sur le chemin du calvaire, le vendredi saint. Bien-aimés de Dieu, le vendredi saint pour un chrétien n’est donc pas la vie d’un jour, mais la vie de tous les jours. Loin de là l’idée d’un calvaire perpétuel pour le chrétien, mais plutôt souligner le combat quotidien que nous devons mener sans jamais céder au découragement, pour vivre constamment dans la proximité de Dieu. C’est au bout de ces combats assumés avec foi et avec courage que se trouve la joie de la victoire ; la victoire de la résurrection pour une vie nouvelle et éternelle.

Le christ, comme nouvel homme de notre monde, préférant plutôt recevoir des coups que de les donner, verser son propre sang que de répandre celui des autres, nous invite à un sacrifice d’amour. Se sacrifier pour l’Eglise et pour le monde, voilà la mission qui nous attend en tant que disciples du Christ.

  1. Notre mission aujourd’hui

Nous sommes dans le monde sans être du monde et  pour cela nous avons un devoir d’être : des hommes nouveaux, nés du baptême et sanctifiés en Jésus Christ. Ce devoir d’être nous oriente vers la sainteté même de Dieu. « Soyez saints comme votre père céleste est saint ». Ou encore, il nous invite à nous conformer à l’injonction du Christ à être des chrétiens lumineux : « que votre lumière brille devant les hommes afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5,16). Le mystère pascal fortifie en tout baptisé la conviction d’être enfant de lumière, car purifié du péché et sauvé du pouvoir du Malin. Ce devoir d’être implique également un devoir d’agir. Et St Paul nous invite pour cela à abandonner les œuvres des ténèbres et à accomplir des œuvres de lumière dont les fruits sont la bonté, la justice et la Vérité (Cf Ep 5,8-9). C’est à ce rendez-vous, que le Christ nous attend au matin de Pâques à l’issue des 40 jours de nos résolutions. C’est sur ces œuvres que nous serons conviés à aller dans le monde pour transmettre la Parole de Vérité, c’est à travers ces œuvres aussi que nous pourrons êtres de véritables convertisseurs, pour allumer dans les cœurs, la lumière de la foi. Car on le répète toujours, le monde a plus besoins de témoins que de maîtres. Bien-aimés de Dieu, Vivre la Pâques du Seigneur c’est s’engager pour une mission. Une mission de témoignage qui suppose un devoir de fidélité au Christ ressuscité. « Si vous restez, fidèles à mes Paroles vous serez vraiment mes disciples, vous connaitrez la vérité et la vérité vous rendra libres » (Jn 8, 31-32).

Rester fidèle pour une vie de liberté est aussi un témoignage que nous sommes appelés à donner à notre monde en quête de liberté. C’est par son obéissance fidèle au Père que le Christ nous a affranchis de la servitude du péché. Avec le Christ nous découvrons que la vraie liberté s’acquiert dans l’obéissance. Dans un monde où la valorisation de soi est proclamée à l’excès, nous sommes invités à présenter le Christ humble et obéissant qui n’a jamais revendiqué sa propre gloire, mais qui s’est toujours donné pour la gloire de son Père et pour le Salut du monde.

Le mystère de Pâques est aussi réconfort et salut pour le monde souffrant. La croix du Christ est devenue lumière auprès de laquelle toute épreuve humaine acquiert un sens. A tous ceux qui se découragent de la vie à causes des épreuves, le Christ répond que la souffrance n’est jamais signe d’abandon de Dieu. Il n’y a pas de résurrection sans croix, et toutes nos croix peuvent être désormais orientées vers la résurrection. Selon le Curé d’Ars « il faut seulement aimer quand on souffre, et souffrir en aimant »[1]. C’est-à-dire avoir toujours l’espérance et l’amour au cœur de nos souffrances. Bien-aimés de Dieu, il nous appartient de révéler le sens de la croix dans la vie de tout homme et de façon particulière dans la vie de tout chrétien. Car « qui cherche Jésus sans la croix trouvera la croix sans Jésus[2] ». disait père Jérôme Jean C’est-à-dire qu’il sera toujours face à la croix mais sans la force de la porter. Demandons donc au Seigneur assez de courage pour tenir ferme dans nos épreuves en gardant allumée la lampe de la foi. (Chant : Ô Croix dressée sur le monde Ô Croix de Jésus Christ…Fleuve dont l’eau féconde, du cœur ouvert a jailli, par toi la vie surabonde Ô Croix de Jésus Christ)

                   Conclusion

Bien-aimés de Dieu, dans l’opinion commune, le vendredi saint est vu comme un jour triste. Les évènements de ce jour le confirment davantage : le grand silence, le jeûne, les Eglises vidées du saint sacrement, les crucifix couverts. C’est en ce jour en effet que le Christ lumière du monde fait l’expérience des ténèbres du tombeau. Tout est triste. Cette tristesse nous rappelle les douloureux cheminements de l’humanité qui, dans son pèlerinage terrestre se trouve parfois dominée par les souffrances de ses péchés. Cette tristesse rappelle également à chaque chrétien et à chacun de nous, la part de responsabilité qui est la sienne dans la dégradation du dessein d’amour de Dieu qui, initialement n’a tracé pour l’homme que le chemin de la vie. Mais il nous est heureux de savoir que Jésus nous invite désormais à faire de ce jour, un jour d’espérance. Espérance d’une vie nouvelle dans laquelle nous choisirons de cheminer dans la lumière et dans la joie de la Résurrection. Espérance de la victoire du bien sur le mal, de l’amour sur la haine, de la vérité sur l’injustice. Ainsi donc, il appartient à toi et à moi de faire de ce jour un vrai passage. Ou mieux un sage pas avec le Christ. Pour laisser dans le tombeau, tout ce qui empoisonne notre vie en nous même, avec les autres et avec Dieu. Pour cela je nous invite durant cette journée à revisiter la sincérité de notre vie avec le Christ, à la lumières de ces trois vertus que nous avons méditées : la foi, l’amour, et la vérité. Alors Pâques 2020 sera réellement pour nous une nouvelle naissance. Puisse Marie notre Dame des douleurs soutenir notre méditation de ce jour afin qu’elle nous aide à entrer réellement dans le mystère pascal. Amen. (Je vous salue Marie…)

Méditation : Jn 13, 1-15 : le lavement des pieds ; Jn 19, 25-30 : Marie au pied de la croix ; Ep 4,17-32 : la vie nouvelle. Ou la passion du Christ selon l’Evangéliste de votre choix.

                                                         

Diacre Jean-Baptiste Wênd-Yam COMPAORE

 

[1] J. SANOU La configuration du prêtre au Christ, Bon Pasteur, l’Harmattan, Paris, 2017, 90

[2] https://www.cath.ch/blogsf/qui-cherche-jesus-sans-la-croix-trouvera-la-croix-sans-jesus-homelie-du-23e-dimanche-c-lc-14-25-33

Publié dans exhortation

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