PATROLOGIE: SAINT HILAIRE DE POITIER CONTRE L’ARIANISME

Publié le par Grand Séminaire Wayaghin

PATROLOGIE: SAINT HILAIRE DE POITIER CONTRE L’ARIANISME

 

Les premières années de l’Eglise furent très mouvementées, et même agités de l’extérieur comme de l’intérieur. Après un temps de dures persécutions de la part de ceux qui ne comprenaient pas les chrétiens, la compréhension ou l’expression de la vraie doctrine chrétienne se fit d’une manière douloureuse. Certains évêques furent déposés, d’autres excommuniés et même exilés. C’est dans ce climat que Saint Hilaire de Poitier, un père de l’église Occidental du début du IVe siècle, la première période de l’âge d’or de l’Eglise, apporta sa touche à l’édification de l’Eglise. Devant la menace des hérésies, il se montre habile et déterminé pour défendre l’orthodoxie de l’Eglise, dans une foi indéfectible. Ce qui lui valu le titre honorifique de Père de l’Eglise. Il prêcha et écrivit pour défendre l’Eglise contre les hérésies qui menaçaient sa survie, surtout l’hérésie de l’arianisme. Notre travail actuel consistera à présenter ce grand Père de l’Eglise dans sa vie et son œuvre. Aussi nous situerons le contexte de ce Père de l’Eglise en faisant un tour sur la doctrine de Arius, le foi du concile de Nicée, avant de présenter la doctrine jugée orthodoxe dans ses forces et sa faiblesse, en confrontation avec l’arianisme

  1. Saint Hilaire de Poitier, vie et œuvre
  1. Vie

Saint Hilaire naquit entre 310 et 315, dans la seconde Aquitaine, à Poitier, selon saint Jérôme. Il fit ses études en Gaule et il aimait lire Quintilien. Il apprend le Grec et le Latin. Il fait des études de philosophie et de littérature. Hilaire ne naquit pas chrétien mais il le devint. Hilaire avait une femme et une fille, Ibra, quand il se convertissait au christianisme. Il était en quête du but de la vie. Dans cette quête, il découvrit que les gens pensaient au repos dans l’abondance. Alors il fit en lui-même ce raisonnement : « les gens ont crus que c’est le repos dans l’abondance. Cependant, cela ressemble aussi aux bêtes qui jouissent dans l’abondance de la nature sans travailler. L’être de raison devrait être mieux. »[1] Il ridiculisa alors cette pensée et continua sa requête. Dans toute son imagination et son observation, il tentait de découvrir Dieu pour abandonner tout son être à lui et le servir toute sa vie. Hilaire écrivait dans ce sens : « Mon âme avait hâte, non pas seulement de faire ce qu’on ne peut omettre sans faute et sans douleur, mais aussi de connaître le Dieu de qui elle tenait le bien et la vie, pour se donner à lui toute entière et s’ennoblir en le servant ; pour placer en lui toutes ses espérances, et pour trouver dans sa bonté, contre les orages de l’existence, un pot ami et sûr. Mon cœur s’enflammait donc d’un ardent désir de comprendre Dieu, ou du moins de le connaître. »[2]  C’est à ce moment qu’il découvre le Dieu d’Israël et en même temps la sainte Bible, qui répondait à ses attentes. Le Dieu infini et d’une beauté souveraine. Il se mît alors à sa découverte à travers la catéchèse. Il se fit baptiser. Après son baptême, il se séparât de sa femme et de sa fille pour s’engager dans la vie religieuse. Il devînt prêtre et évêque de Poitier vers 350.

 

[1]Le R. P. Largent, Saint Hilaire, Lecoffre, Paris, 1924

[2] Ibidem

Si tôt devenu évêque, Il devait faire face aux ariens. Cette opposition le conduira en exil en Phrygie par l’empereur constance en 356. Les quatre (4) ans qu’il y passa furent pour lui un moment d’approfondissement de sa connaissance de la foi nicéenne et de préparation pour la lutte pour l’orthodoxie de la foi chrétienne. De retour en Gaule en 360, il réussit à gagner les évêques de la localité et de l’Italie à sa cause et ses détracteurs comme Saturnin furent déposés et excommuniés.  Il poursuivit sa lutte à travers des conciles locaux et des écrits jusqu’à sa mort le 14 janvier 368. Il fut introduit au nombre des Docteurs de l’Eglise en 1851 par le Pape Pie IX.

  1. Œuvre

Les œuvres de saint Hilaire de Poitier furent surtout des œuvres de controverses, pour la victoire de la foi nicéenne. Son œuvre majeur est la De Trinitate (De la Trinité), qu’il écrivit pendant son exil. Cette œuvre avait pour but d’exposer la vraie doctrine de la foi chrétienne aux évêques de la Gaule, qu’il avait laissé en partant pour son exil, afin qu’ils ne se laissent pas tromper par les fausses doctrines ariennes. Il avait déjà commencé cette œuvre monumentale, quand une circonstance vint interrompre sa rédaction. En effet « une partie de l’épiscopat oriental, rassemblée autour de Basile d’Ancyre, s’était opposé ouvertement à Ursace et à Valens »[1], qui étaient tous deux des ariens purs. Cependant Basile d’Ancyre et ses partisans étaient des semi-ariens (le Fils est semblable en substance au Père). Hilaire voyait l’occasion de les rapprocher des Occidentaux, pour que son camp soit renforcé, afin de lutter efficacement contre les vrais ariens. Pour cette cause noble, il interrompit De Trinitate pour écrire son De Synodis. Cette œuvre avait pour but de rapprocher les évêques occidentaux des semi-ariens comme Ursace et Valence, afin de les entrainer par la suite dans son camp. Mais sa tentative fut un échec puisqu’au concile de Séleucie et à la rencontre de Constantinople où lui-même assistait, Ursace et Valens réussirent à convaincre et à soumettre les épiscopats d’Orient et d’Occident. Alors il repartit à son lieu d’exil pour continuer son œuvre en tenant compte de ce qui s’était passé. Mais pour tenter encore de récupérer ses partisans, il écrit un livre, Contre Ursace et Valens. « Hilaire y dénonçait la subtilité et arguties Grâce auxquelles Ursace et Valence avaient pu faire admettre par la majorité d’évêques orthodoxes des formules qui pouvaient s’interpréter dans un sens arien »[2]. En faveur de la rencontre de Constantinople, Hilaire rédige une lettre, Ad Consantium, dans laquelle il demandait la+ grâce de l’abrogation de sa sentence d’exil. Peu de temps après il trouve grâce devant l’empereur Constance qui lui permet de repartir en Gaule. Il écrivit aussi un commentaire des Psaumes intitulé Tractatus super Psalmos, un commentaire de l’Evangile de Matthieu. Il écrit aussi Contra Auxentium après son retour d’exil, pour dénoncer la profession arienne d’Auxence.

 

[2] P. HADOT, « Hilaire de Poitier », in Encyclopaedia universalis 2015

  1. La doctrine christologique du prêtre Arius

Arius est le fondateur de l’arianisme. Selon le prêtre d’Alexandrie Arius, le Christ n’est pas Dieu. Très accroché à son monothéisme, il ne concevait intellectuellement qu’un Dieu unique et unipersonnel.  Il ne réussissait pas à concevoir une autre personne qui se réclamerait de la nature divine, de même substance que Dieu le Père. Et pourtant il acceptait que Dieu soit Père, ce qui est conforme à la foi chrétienne. Les philosophes étaient contre la profession de foi des chrétiens, qui pour eux semblait irrationnelle. Ainsi pour faire taire les attaques des philosophes et se faire bonne conscience, il entreprend de réformer la conception du Fils. Subordinatien, il subordonnait le Fils au Père. « Non seulement il subordonnait dans sa nature le Fils au Père, mais lui refusait la nature divine et les attributs divins ; notamment l’éternité et la génération divine »[1]. Pour lui « le Logos est une créature du Père ; il est tiré du néant comme la première et la plus noble des créatures, afin de servir lors de la création des autres êtres. »[2] Ce qui signifie que le Fils n’était pas au commencement, et qu’il est comme un démiurge, qui a pour rôle de participer à la création ultérieure. Le Fils est à tout égard dissemblable au Père. Le Fils est « allotrios men kai anomoios panta tes tou patros ousios kai idiotetos » (« Etranger et dissemblable à tout égard de la nature et de la singularité du Père »)[3]. Etranger au Père par sa nature, unit à lui seulement par sa volonté, élevé à la condition de Fils de Dieu en prévision de ses mérites par une grâce particulière. C’est la doctrine propre de Arius. Pour justifier sa doctrine sur le plan biblique, il exploite le passage biblique de Proverbes 8,22 où il est écrit : « Yahvé m’a créée, prémices de son œuvre, avant ses œuvres les plus anciennes. »[4]  Ainsi, Arius voulait faire comprendre que le Christ n’est pas Dieu, mais une simple créature de dieu, qui mérite des honneurs divins en tant que première créature de Dieu. L’évêque d’Alexandrie, Alexandre, s’opposa à lui, or celui-ci s’était déjà fait beaucoup d’adeptes dans le peuple et même dans le clergé. Il réunit un concile d’environ 100 évêques égyptiens à Alexandrie en 318, où Arius et ses partisans du clergé (2 évêques, 6 prêtres et 6 diacres) furent dénoncés hérétiques. En 323, il fut excommunié au synode d’Antioche. Mais Arius ne baissa pas les bras. Il fallait alors envisager un concile général pour traiter de ce problème.

 

[1] Cours d’Histoire de l’Eglise, 2018-2019, P64

[2] Ibidem

[3] H. R. Drobner, les pères de l’Eglise, Desclée, 1999, P231

[4] Bible de Jérusalem, Cerf, Paris, 2001, Pr8,22

  1. La doctrine christologique du concile de Nicée

Face à l’obstination des ariens dans la profession de leur foi hérétique, les partisans de l’orthodoxie de l’Eglise ne se laissèrent pas emporter. Ils se levèrent contre les ariens, et ce conflit religieux menaça la paix et l’unité de l’empire romain dont Constantin était l’Empereur. En 324, l’empereur Constantin envoya d’abord son homme de confiance, Hosius, évêque de Cordoue à Alexandrie, pour tenter la médiation entre Alexandre et Arius. Ce fut un échec. Alors mesurant la gravité de la situation, Constantin convoqua un concile général, qui se tint à Nicée en Bithynie, de mai en juillet 325. Il connu la participation de près de 300 évêques. Tout le monde chrétien était représenté. Signalons que Saint Athanase prit partie à ce concile en tant que diacre, secrétaire de son évêque.

Sous la direction de Hosius et des représentants impériaux, le débat fut houleux. La doctrine arienne fut présentée par Eusèbe, l’évêque de Nicomédie, que Arius avait gagné à sa cause. Sa doctrine fut rejetée. Les pères du concile cherchèrent alors à définir leur foi, contre la profession arienne. A l’issu des débats et des différentes propositions et analyses, la foi unanime des pères conciliaires fut définie dans la rédaction définitive du symbole de foi de la manière suivante : « Le Fils de Dieu, unique engendré du Père Le Fils de Dieu est de la nature du Père, Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, Vrai Dieu de Vrai Dieu, engendré et non créé, consubstantiel au Père ; par lui tout a été fait au ciel et sur la terre, qui pour nous les hommes, et pour notre salut est descendu s’est incarné, s’est fait homme, a souffert, et ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux et viendra juger les vivants et les morts»[1]. Alors, les propositions principales d’Arius furent frappées d’anathème : qu’il y eut un temps où le Fils de Dieu n’existait pas, qu’il a été créé du néant, qu’il est d’une autre substance ou nature que le Père, qu’il a été créé, qu’il est susceptible de changement ou de variation. Arius et ses partisans, ainsi que ceux qui refusèrent de signer l’accord furent excommuniés et envoyés immédiatement en exil par l’empereur Constantin. Les écrits d’Arius et de ses amis furent condamnés au feu, et la peine de mort fut portée à tous ceux qui les détiendraient secrètement. Il est à noter que saint Hilaire n’était pas à ce concile.

 

[1] H. R. DrOBNER, Les Pères de l’Eglise, Desclée, 1999, P264

  1. Le combat de Saint Hilaire de Poitier contre l’arianisme
  1. Contexte d’émergence de son opposition

Malgré les excommunications, les envois en exil et toutes les peines infligées aux partisans de l’arianisme, l’hérésie arienne persista dans le temps et l’espace. Pire, les disciples d’Arius réussirent à gagner l’empereur Constantin à leur cause, qui les firent revenir de leurs exils et leur remit leurs sièges. De même son successeur Constance fut emballé dans cette hérésie. Ainsi les partisans de l’orthodoxie de la foi chrétienne devraient souffrir l’exil à leur tour sous l’empereur Constantin et Constance son successeur. Pour maintenir leur position, ils devaient jouer des mains et des pieds, non seulement pour convaincre l’empereur, mais aussi pour convaincre et garder leurs fidèles dans la foi orthodoxe. C’est dans ce combat que Saint Hilaire de Poitier va s’illustrer.

  1. La cible de Hilaire de Poitier

Le concile de Nicée avait bel et bien condamné l’arianisme ; mais l’arianisme vaincu ne renoncera pas à la lutte, et l’armée de l’erreur se divisera en deux ailes. L’aile de droite et l’aile de gauche. Celle de droite était composée de politiciens, adeptes d’Eusèbe de Nicomédie dont ils portent le nom. Ils anathématisent les propositions les plus saillantes de l’arianisme ; ils paraissent même accepter la foi de Nicée, sauf le terme ou la formule « homoousios » ou le Consubstantiel (mot qui exprime l’indivisible unité de la substance commune aux trois personnes divines). Ils préfèrent « Homoiousios » (qui exprime une analogie, la ressemblance de nature entre le Père et le Fils, et non l’identité). Ils préfèrent ce mot à homoousios parce que ce dernier paraissait détruire en Dieu la distinction des personnes, et cela aboutirait au sabellianisme (hérésie professant la confusion de la nature humaine et de la nature divine dans le Fils, exaltant sa divinité jusqu’à la suppression de l’humanité de Jésus). On les appelle aussi des semi-ariens. L’aile gauche était composée des ariens purs dont nous avons déjà exposé la doctrine plus haut. On les appelait des anoméens ou des eunoméens. Leur chef au temps de Hilaire était Aetius. Sous l’instigation des ariens, Athanase, devenu évêque d’Alexandrie, fut déposé et envoyé en exil au concile d’Antioche présidé par Eusèbe de Nicomédie. Aussi, Eusèbe de Verceil et Denis de Milan furent démis de leurs fonctions. Cela provoqua la colère de Hilaire, qui se leva pour défendre Athanase et l’orthodoxie de la foi.

Ses adversaires étaient Ursace, Valence et Saturnin, primat de Arles. « Hilaire résista violemment à Saturnin »[1] lors d’une réunion des évêques. Après cette réunion, il introduisit une requête auprès de l’empereur Constance pour demander la liberté religieuse. Sa requête n’eut pas une suite favorable. Mais un concile fut convoqué en juin 356 par les hérétiques à Béziers. Prenant part au concile, ses propos ne furent pas écoutés. Pire, il fut envoyé en exil comme Athanase qu’il défendait. Il fut envoyé en Phrygie. L’exposition de sa foi orthodoxie.

 

[1] P. HADOT, « Hilaire de Poitier » in Encyclopaedia universalis, 2015

  1. Exposition et défense de sa doctrine

Pendant l’exil de Hilaire à Phrygie, il fut « mis en contact avec l’épiscopat oriental. Il approfondit sa connaissance du Grec, étudia la littérature chrétienne grecque, notamment Origène, s’initia à une pensée théologique qui jusque-là lui était étrangère »[1]. Cette initiation et ce travail acharné allaient le conduit à son plus grand exploit. En effet, c’est à ce moment qu’il commença à rédiger sa plus grande œuvre, la De Trinitaté. Dans les trois premiers livres, il expose sa foi qui est celle de Nicée, et s’appuie sur la formule baptismale. Hilaire parlait ainsi : « Dieu tout puissant, comme tu m’as donné l’être, tu m’as donné aussi l’intelligence ; tu m’as instruit par tes Ecritures sacrées, par Moïse et tes prophètes, qui m’ont appris à ne pas adorer en toi un Dieu solitaire. J’ai appris qu’il y a en toi un Dieu qui n’est pas autre que toi en nature, mais qui est un avec toi dans le mystère de ta substance… Tel est l’enseignement que j’ai reçu, telle est la foi que je garde si fidèlement dans mon âme que je ne pourrais ni ne voudrais croire autrement »[2]. Nous voyons dépeindre ici la fermeté de Saint Hilaire de Poitier dans la foi qu’il professait. Il était ainsi convaincu de la vérité et de l’authenticité de sa foi et ne laissait aucune part de doute. Il soutient ici que les deux personnes de la même nature divine était une foi professée depuis Moïse. Et le témoignage qu’il rend vient de Dieu lui-même, et nous devons ouvrir les portes de notre raison terrestre pour l’accueillir. Il nous encourage à marcher à la suite de celui qui ne peut être atteint. Pour lui, « Il est infini parce qu’il n’est point dans un autre, mais que tous les êtres sont en lui ; il est hors de tout lieu parce que nul lieu ne le contient ; il est avant tous les temps, car c’est par lui que le temps a commencé. Essayer d’atteindre par la pensée les bornes de son être, et vous le rencontrerez toujours »[3]. Ce Dieu en deux personnes est de tout éternité et dépasse les limites de notre raison. Les ariens qui voulaient enfermer Dieu dans leur raison humaine son mis à défit. Hilaire ajoute que le Dieu en qui il croit est Père, mais pas père en la manière humaine, car ne tirant pas sa paternité de celle humaine.

 

[1] Ibidem

[2]Le R. P. Largent, Saint Hilaire, Lecoffre, Paris, 1924

[3] Le R. P. Largent, Saint Hilaire, Lecoffre, Paris, 1924, P139

Hilaire dit en effet : « Telle est la vérité du mystère divin, tel est dans le Père le nom d’une nature incompréhensible. Dieu est invisible, ineffable, infini ; Que le langage humain se taise ; que l’intelligence qui voudrait le pénétrer s’arrête stupide ; que l’âme qui voudrait l’étreindre sente son étroitesse. Ce Dieu est Père comme il est Dieu, et il ne tire pas d’ailleurs comme les hommes sa qualité de Père… Il est connu du Fils seul, car nul ne connait le Père sinon le Fils et celui à qui le Fils aura voulu le révéler ; et nul ne connait le Fils si ce n’est le Père ; leur science est réciproque ; la science qu’ils ont l’Un de l’Autre est parfaite, et parce que nous enseigne le Fils, le seul témoin digne de foi »[1]. La filiation divine est ainsi établie. Et même, la relation qui existe entre le Père et le Fils, ou en termes technique, la communication des Idiômes. Le Fils seul connait le Père et le Père seul connait adéquatement le Fils. Peuvent les connaître aussi ceux à qui le Fils veut le révéler. Ainsi exprimé, nous remarquons l’égalité qui existe entre le Père et le Fils. A son temps, l’égalité de la trinité n’était pas encore évidente. La divinité de Yahvé était connue par les Juifs et les Chrétiens, mais les chrétiens seuls reconnaissent en lui un Dieu Père. Ainsi les ariens qui niaient cette révélation sont enfermés dans les limites humaines et ne peuvent faire le saut de la foi, saut qui conduit à la connaissance que nous offre le Fils.  Insistant sur la nature du Fils et sa relation au Père contre les ariens, Hilaire dit : « Le Fils est l’unique de l’unique… le parfait procédant du parfait : car celui qui possède tout a tout donné »[2]. Et il ajoute « Ne pensons pas qu’il n’a pas donné parce qu’il possède, ou qu’il ne possède plus parce qu’il a donné »[3].  C’est le mystère de la divinité.

 

[1] Ibidem

[2] Ibidem

[3] Le R. P. Largent, Saint Hilaire, Lecoffre, Paris, 1924, P139

Pour la génération du Verbe, il fait appel à Saint Jean :« Debout à mes côtés, j’ai, pour répondre à mes difficultés, un pêcheur pauvre, ignorant, les mains chargées de filets, les vêtements trempés d’eau, les pieds couverts de vase, sortant de sa barque. Cherchez, dites ce qui est le plus étonnant : d’avoir ressuscité des morts, ou d’avoir donné à un ignorant la connaissance d’une si haute doctrine. Il dit : au commencement était le verbe. Que signifie : au commencement ? les temps sont dépassés, les siècles reculent, les âges s’effacent… Mon pêcheur illettré ignorant, s’affranchit du temps, dépasse les siècles, devance tout commencement : le VERBE était ce qu’il est… »[1]. Les ariens professaient que le Logos venait du « Néant ». Hilaire fait comprendre ici qu’il existait avec le Père depuis le commencement. C’est-à-dire au commencement sans commencement de Dieu. Sa divinité n’a pas commencé, elle est de toute éternité comme le Père. « Il est sans commencement avant les temps celui qui était avant tout commencement. Il est Dieu et celui qui est au-delà de tous les temps que vous pouvez connaître ou imaginer, n’est pas séparé de son Auteur… »[2]. C’est ce Dieu qui a voulu devenir chair pour que nous soyons sauvés. Il devient homme dans la condition humaine, mais en gardant la dignité de sa divinité. Jésus même a affirmé sa divinité dans les Evangiles et Saint Hilaire exploite ses passages pour défendre sa position. « J’entends ces paroles : Mon Père, je vous rends grâce ; j’entends ces paroles : vous dites que j’ai blasphémé parce que j’ai dit : Je suis le Fils de Dieu ; si de tels mots ne me paressent pas désigner le Fils de Dieu, je me demande ce qu’on pourrait désormais entendre et croire… »[3]. Ainsi, refuser à Jésus la divinité, c’est l’arroger d’une audace impie. Un ange annonce qu’une vierge concevra par la grâce de l’Esprit-Saint. Jean-Baptiste proclame la puissance de celui qu’il va baptiser. Au baptême comme à la transfiguration, le Père atteste sa filiation divine.  Hilaire s’écrit alors : « Hérétique, tu refuses au Père la foi, et au Fils l’honneur qui lui est dû ; tu fais violence aux paroles de Dieu, pour anéantir ce qu’elle exprime. Dans ta sacrilège impudence, tu accuses Dieu d’avoir menti, en parlant de lui-même. [4]»

 

[1] Ibidem, P143

[2] Ibidem

[3] Ibidem

[4] Ibidem, P152

Il reproche ainsi durement ses détracteurs de l’endurcissement de leur cœur. Hilaire renchérit : « Si de part et d’autre la puissance est la même, si de part et d’autre le secret divin est également connu, si les noms attestent une nature identique, je le demande, comment le Père et le Fils ne seraient-Ils pas ce que leurs noms signifient, eux qui possèdent également la toute-puissance, et une science inaccessible aux créatures ? »[1] L’Homme se révèle dans la chair et le Divinité dans les œuvres qu’il a accompli. Il a multiplié les miracles et cela n’est pas pour notre vaine gloire, mais pour nous conduire à l’humilité. Pour Hilaire, Jean s’est penché sur la poitrine de Jésus pour goûter à cette doctrine. Et nous aussi nous devons pencher vers Jésus et nous laisser imbiber de sa science. Si Hilaire proclame haut et fort l’égalité entre le Père et le Fils, il n’ignore pas la primauté du Père.

En effet, les Pères de l’église reconnaissent, en dépit de l’égalité, une primauté du Père. « Mon père est plus grand que Moi »[2]. Mais cette primauté est « une préséance, non de nature, mais de personne, préséance consacrée par la formule du baptême. Le Père est nommé le premier, il garde la première place parce qu’il est le principe »[3]. La primauté du Père est ainsi une dignité de personne et non une supériorité de nature. On remarque souvent que les Pères de l’Eglise attribuent au Fils la théophanie de l’Ancien Testament. Dans cette doctrine christologique exprimée clairement et justifié solidement, nous reconnaissons sans peine la foi professée par les Pères du concile de Nicée. Bien qu’il n’y fût pas, la loyauté de sa quête de Dieu le conduit à la bonne découverte de l’orthodoxie de la foi chrétienne en laquelle il retrouve le repos de son âme. Mais cette franchise ne peut l’exempter de toute erreur.

  1. L’erreur doctrinale de saint Hilaire

Saint Hilaire dans sa doctrine christologique n’avait pour but que défendre la divinité du Christ contre les ariens qui la niaient. Mais à force d’insister sur la divinité du Christ, il finit par basculer dans le docétisme, c’est-à-dire, nier l’humanité du Christ. Il nie en lui certaines conditions d’existence comme la faim, la soif, la crainte, la douleur et autres passions humaines. Hilaire écrit en effet : « Quelle terreur de la mort aurait-il ressentie, lui qui mourait dans la plaine liberté ? s’il s’agit des autres hommes, des causes extérieures, la fièvre, des blessures, des chutes, brisent le corps et hâtent le déclin, ou bien, c’est la nature elle-même qui, vaincue par l’âge, s’affaiblie dans la mort. Mais le Fils unique de Dieu qui avait le pouvoir de déposer sa vie et de la reprendre, pour accomplir en lui le mystère de la mort, après avoir bu le vinaigre, attesta que l’œuvre de la passion était consommée, et inclinant la tête, rendit son âme… Il est mort parce qu’il l’a voulu. »[4]

 

[1]Le R. P. Largent, Saint Hilaire, Lecoffre, paris 1924, P153

[2] Jn 14,28

[3] Idem, Saint Hilaire, Lecoffre, paris 1924, P146

[4] Ibidem,156

Or saint Luc dans son évangile parle de sueur de sang et de réconfort des anges. « Alors lui apparut, venant du ciel un ange qui le réconfortait. Entré en agonie, il priait de façon plus instante, et sa sueur devint comme de grosses gouttes de sang qui tombaient à terre. »[1] Hilaire doute de l’authenticité de ces versets. Pour lui, manger, boire, verser des larmes est pour se montrer semblable à nous sinon il n’en n’avait pas vraiment besoin. Pour lui « le Christ eut un corps mais un corps étranger par son origine aux misères des nôtres, quoiqu’il leur fût semblable »[2]. Hilaire a utilisé cet argument pour se défendre devant les ariens. Mais sa rage ou sa détermination dans la lutte le conduit à des débordements, biaisant un peu l’orthodoxie de sa doctrine christologique. Mais qu’à cela ne tienne, ses mérites en matière de définition et défense de la doctrine christologique orthodoxe sont à saluer, car nous sommes bien conscients de l’imperfection qui entache toute œuvre humaine.  

Conclusion

Au terme de notre analyse, il ressort que saint Hilaire de Poitier a été un grand combattant pour l’orthodoxie de la foi chrétienne, ce qui lui a mérité l’admission au nombre des Pères de l’Eglise. Après avoir pris connaissance de la solidité doctrinale de la foi chrétienne, et surtout, instruit de l’origine de sa Révélation, il a consacré toute sa vie pour sa défense. Sa doctrine est essentiellement christologique. Ainsi s’est-il battu pour que nous connaissions la nature divine du Fils de Dieu, Jésus-Christ, sa consubstantialité au Dieu Père et sa relation à celui-ci. Grâce à l’œuvre du saint prélat de Poitier, Hilaire, nous avons accès aujourd’hui à l’orthodoxie de notre foi. Malgré la persistance de l’armée de l’erreur, à savoir l’arianisme, la vérité a fini par prendre le dessus, car nous le savons bien, rien ne peut contre la volonté de Dieu.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie

 

  • Le R. P. Largent, Saint Hilaire, 4ème édition de librairie Victor, Lecoffre, Paris, 1923
  • R. DROBNER Hubertus, Les Pères de l’Eglise, Sept siècles de littérature chrétienne, Desclée, 1999
  • Abbé Dormagen, Saint Hilaire de Poitier et l’arianisme, Saint-Claud, Paris, 1864
  • HADOT Pierre, « Hilaire de Poitier », in Encyclopaedia Universalis 2015 
  • Abbé ZOMBRE Lucien, Cours de Patrologie, Grand séminaire saint Jean-Baptiste, 2018-2019, P134-136
  • Père NYANDA Patrice, Cours d’Histroire de l’Eglise, Grand séminaire saint Jean-Baptiste, 2018-2019, P64-67
  • Bible de Jérusalem, Cerf, 2001
 

[1] Lc22, 43-44

[2] Le R. P. L’argent, saint Hilaire, Lecoffre, Paris, 1923, P157 

OUEDRAOGO Jérémie

Publié dans Travaux de recherche

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