Et si nous nous redressions et relevions la tête ! 1er dimanche de l'Avent

Publié le par Grand Séminaire Wayaghin

Bien aimés de Dieu,

Le Seigneur vient... Et si nous nous redressions et relevions la tête !

Une année liturgique s’est écoulée, l’année B, une autre commence, l’année C. Au seuil de cette année liturgique, en ce début du temps de l’Avent, la parole de Dieu résonne et peut être reconnue en termes d’injonction : « redressez-vous et relevez la tête » ! La raison de cet impératif ne date pas d’aujourd’hui. Elle s’enracine dans l’économie du salut de Dieu. Déjà au temps de Jérémie dont le discours prophétique est une actualisation de la promesse de salut historique faite à la maison d’Israël et de Juda, Dieu réaffirme sa volonté ferme et constante d’accomplir sa parole de bonheur en faveur de David : « je ferai germer pour David un Germe de justice » qui exercera le droit et la justice. C’est en ces termes que l’Eglise nous introduit cette année dans le temps de l’Avent. Mais exercer le droit et la justice, n’est pas, symboliquement pour l’homme biblique, s’appliquer à suivre les chemins du Seigneur, pratiquer ses commandements, être fidèle à Dieu ?  Cela signifie, en raison éthique chrétienne, faire le bien tel que Dieu le veut.

Le Germe de justice viendra donc, prophétisait Jérémie. La nouvelle alliance y reconnaîtra le Messie de Dieu, Jésus le Christ. En s’appropriant les paroles du prophète au seuil de ce temps de l’avent, l’Eglise voudrait éveiller au cœur de ses fidèles un ardent désir à accueillir le Sauveur. Le Seigneur vient ! que de fois nous entendrons cette déclaration durant ce temps de l’avent !  Elle aura pour vocation de susciter en nous, chez chacun et tous, une attitude correspondante. Dans cette mesure, la meilleure manière n’est-elle d’interroger l’hôte lui-même, de nous référer à lui pour qu’il révèle sa volonté ? D’après le témoignage de saint Luc l’évangéliste, il est impératif, selon Jésus, de se redresser et de relever la tête : « Quand ces événements commenceront, enjoint Jésus en parlant à ses disciples de sa venue, redressez-vous, relevez la tête ».

Se redresser et relever la tête, n’est-ce pas un mouvement pour une attitude dont le contraire présupposé est « être courbé », voire couché, et avoir la tête affaissée, voire abattue ? Tandis que la première attitude est expression de vie, la seconde traduit la mort. En ce sens, le professeur Joseph Ki-Zerbo, bien que Samo, avait bien raison lorsqu’il écrivait dans La natte des autres, que, si nous nous couchons, nous sommes morts. Face à la torpeur que peuvent occasionner les évènements terrifiants évoqués par Jésus, la tentation de démissionner, le manque de confiance en soi et le défaitisme ne sont pas absents. Dans cette mesure, le Christ recommande « redressez-vous, relevez la tête ». Se redresser et relever la tête, c’est-à-dire envisager à nouveau un avenir et regarder en face.

 

Se redresser et relever la tête signifient notamment porter, lever ou élever, tenir la tête haute, accueillir favorablement, supporter la souffrance. L’inverse d’une telle attitude est sans doute être mort, ou tout au mieux s’amenuiser, tomber. Finalement, se redresser et relever la tête, c’est être capable d’envisager l’avenir, être capable de relation. Ce faisant, le disciple ira la « tête haute », retrouvant toute sa « dignité » ; il pourra rester éveillé ou, selon l’expression de l’évangéliste, « se tenir debout ». L’homme debout ! L’image est forte ! N’est-ce pas l’attitude typiquement caractéristique de l’humain et tend à signifier l’accomplissement de l’homme, qui atteint la stature d’homme ? On se rappelle ici que Michel Quoist, dans Construire l’homme, relève que c’est la stature dont rêve tous les hommes. Pour lui, l’homme debout, c’est celui qui est totalement maître de son existence, a le pouvoir se regarder, regarde le monde, juger et diriger sa vie suivant les normes de son idéal. Mais beaucoup d’hommes qui se croient maîtres de leur action sont en fait plus ou moins esclaves de leur corps et de leur sensibilité. Ils n’ont pas réussi à établir et maintenir solide la hiérarchie de leurs puissances. Ou bien ils ne sont pas lucides, ou bien ils ne comptent que sur leurs propres forces pour vivre « debout ». Certaines personnes avancent en rampant ; chez elles, c’est le sensible qui commande et fait « perdre la    tête ». L’homme debout, c’est celui dont l’esprit entièrement libre, commande à la sensibilité et au corps. Il ne méprise ni l’un ni l’autre, car tous deux sont beaux et utiles puisque créés par Dieu, mais il les maîtrise et les dirige. C’est lui le chef, eux sont les serviteurs.

On observera toutefois, que par ses propres moyens, l’homme ne peut rester debout : son corps est trop lourd, sa sensibilité trop entreprenante. Il a besoin d’une force qui l’attire par en haut, le soutienne et le transfigure par l’intérieur. C’est pourquoi dès le début de ce temps de l’avent, l’Eglise, à la suite de la recommandation du Seigneur, invite à prier en tout temps. Et, partageant la conviction de foi l’Apôtre Paul, elle croit que c’est Dieu qui donne et soutient les actes bons, c’est lui qui affermit les cœurs, les rend irréprochables en sainteté devant lui, lors de la venue du Messie.

Le Seigneur vient ! Prenant toute la mesure de la situation, pour accueillir le Germe de justice en homme debout, d’après saint Paul aux Thessaloniciens, il faudra se conduire pour plaire à Dieu et y gagner en progrès. En définitive, l’homme debout, n’est-ce pas celui qui, obéissant à l’appel de Dieu et avec sa grâce retrouve sa dignité d’homme, sait se « domestiquer » pour devenir, selon le beau mot de Beauchamp, le « pasteur de sa propre animalité », réalisant ainsi, dans les conditions difficiles qui sont les siennes, la vocation de tout être humain ?

Pour en arriver là, une exigence incontournable : la lucidité. « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie », prévient le Seigneur. Se tenir sur ses gardes, c’est être lucide. Généralement, l’homme a une soif profonde de lucidité. Lucide, est celui qui voit clair, celui qui saisit les choses dans la lumière. En homme, cette lumière s’appelle la raison.  C’est en ce sens que Descartes parlait de la raison comme d’une lumière naturelle. En Chrétien, cette lumière s’appelle foi et c’est pourquoi le Christ recommande de prier sans cesse.

En effet, si je n’ai plus aucun point fixe à saisir pour me ressaisir, si je n’ai pas Dieu pour donner sens à ma vie, seuls me restent désormais l’épaisseur et le vague du brouillard. L’égarement vient se creuser jusqu’au vertige. Je tourne en rond, dirait l’ivrogne. Le bon sens nous apprend que répéter sans cesse le même mouvement n’est pas signe de perfection. Il s’agit plutôt d’une mécanique sans vie. Or, ce qui est sans vie, est aussi sans finalité. Dans l’absence d’un point fixe qui puisse servir de racine et de lumière, Dieu en l’occurrence pour le chrétien, la conscience perd sa continuité interne pour être abandonnée à une logique ténébreuse qui n’est plus celle de la vie et de la foi vivante. On peut donc dire que conscience chrétienne signifie lucidité de foi.

La lucidité conditionne l’existence de l’homme debout. Qui a vu la lumière ne saurait plus la renier pour une existence inférieure, parce que l’essence de l’intelligence est d’être ouverte.

Le regard lucide de l’homme debout pénètre la surface des choses, et transperce leur apparence immédiate, dans un mouvement qui ne saurait se contenter d’un repos. Telle devrait être l’attitude du vrai chrétien durant ce temps de l’avent : ne pas se contenter du repos. Le repos rend lourd, il devient un dépôt, un déchet. Il existe une parenté intime entre la satisfaction et la mort. La satisfaction se réalise essentiellement entre quatre murs, dans ce qui est clos. Elle ne connaît pas de création continuée et ne peut plus tirer l’âme vers l’avant. Dans son Être avoir, Gabriel Marcel écrit : « Dans quelque domaine que ce soit…, un être satisfait, un être qui déclare lui-même qu’il a tout ce qu’il lui faut, est déjà en voie de décomposition » (Être et Avoir, 2è tome, Paris, Aubier, 1968, p. 74.). On comprend pourquoi l’Apôtre insiste tant auprès des Thessaloniciens : « faites donc de nouveaux progrès, nous vous le demandons, oui, nous vous en prions dans le Seigneur Jésus », supplie-t-il. Le regard lucide du Chrétien debout ne recherche pas la satisfaction, mais l’éveil conquis dans la foi et l’effort, dans l’ouverture à la grâce de Dieu et la violence faite sur soi-même. Ici, on se rappelle que dans une lettre à un ami, Goethe écrivait : « La nécessité est dure, mais seule la nécessité permet à l’homme de montrer s’il a du fond. N’importe qui peut vivre arbitrairement ». Ne pas vivre arbitrairement pour chrétien, c’est se décider au sens, revenir à soi-même dans l’ouverture à Dieu comme à son plus sûr logis.  Etre couché ou tombé, ce qui signifie ne plus rien valoir, n’est-ce pas précisément s’être aplati en perdant son centre ? Dans cette mesure, simplement, exister pour le chrétien, n’est-ce pas, d’une certaine façon, se redresser et relever la tête, se tenir au dehors, surgir, et donc pouvoir subsister en Dieu ? Que la grâce de cette Eucharistie nous y aide… Amen !

est-elle pas possible énoménologique n' surgir, et donc pouvoir subsister comme soi. charnelle au monde ?'nnait  saurait se contest-elle pas possible énoménologique n' surgir, et donc pouvoir subsister comme soi. charnelle au monde ?'nnait  saurait se cont AAAbbé Mathieu SAMA

Théologien et Philosophe

Publié dans Homélies dominicales

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