HOMELIE DU 1ER DIMANCHE DE CAREME 2020

Publié le par Grand Séminaire Wayaghin

Bien-aimés de Dieu frères et sœurs en Christ,

Depuis mercredi dernier, nous sommes entrés dans le temps du Carême. Ils sont nombreux ceux et celles qui ne pensent au carême que par rapport à son aspect d’austérité, de rudesse, de multiples privations : oui on jeûne… on ne mange pas de viande, on ne boit plus de bière, plus de dolo, plus de kioro-kioro dans les petits angles du quartier (au moins le vendredi comme l’Eglise le recommande)… Les enfants peuvent ajouter qu’on ne mange plus de bonbons et de chocolat… D'aucuns même pensent au Carême comme à une sorte de Ramadan vécu à la manière chrétienne. Oui, bien sûr, que les privations, les efforts et résolutions font partie du Carême mais ils ne sont constituent pas l’essentiel car ils ne sont que des moyens dans le cheminement spirituel proposé pour mieux assumer notre existence chrétienne. C’est pourquoi les évangiles que nous lisons aux dimanches de carême nous tracent un itinéraire spirituel de conversion et de pénitence. Ainsi de ce premier dimanche de carême où nous lisons les tentations de Jésus jusqu’au 5ème dimanche où il nous est relaté la résurrection de Lazare, nous sommes conduits de la vigoureuse invitation à rejeter Satan et à proclamer la foi au seul Dieu jusqu’au mystère de la résurrection. En fait le carême est essentiellement la montée de l’Eglise vers la Pâque de son Seigneur. Ainsi, il se vit avec le Christ, par le Christ et en Lui. Par le Carême, Jésus nous invite à prendre de la hauteur et à regarder la trajectoire totale de notre vie, une trajectoire qui peut se décrire comme allant de la vie à la vie. Trois questions fondamentales peuvent nous aider à mieux cerner le cheminement spirituel de carême  pour en saisir le sens: D’où venons-nous, où allons-nous ? et pour cela quel chemin prendre ? Les textes bibliques de la liturgie de ce dimanche nous apportent un éclairage lumineux

En effet, le récit de la Genèse  dans la 1ère lecture nous ramène à notre origine. Il est important de noter d’emblée que l’homme a été créé pour le bonheur, la paix et la joie. Dieu veut notre bien et celui de notre monde et c’est pour cela qu’il nous a créés. C’est cette vie bienheureuse qui nous est décrite dans le paradis d’Eden. Et contrairement à cette béatitude originelle voulue par Dieu, le tentateur cherche à détourner l’homme de Dieu. Il veut lui faire croire que Dieu a de mauvaises intentions sur lui. Ainsi le premier couple humain qu’on pourrait considérer comme le prototype d’humanité s’est trouvé devant une décision, une tentation première, qui a mis à l’épreuve sa liberté. Dans le jardin mythique d’Eden, nous dit le récit de la Genèse, ils pouvaient savourer toutes sortes de fruits, sauf celui de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. C’était l’interdit majeur, lié aux limites de leur intelligence humaine, dont ils comprendront mal le sens. Cet interdit protecteur devient générateur de deux attitudes toxiques qui empoisonnent plus que jamais leur relation à Dieu et plus tard entre eux : le soupçon et la convoitise. Le serpent éveille le soupçon du couple humain par rapport à l’esprit de bonté dans lequel Dieu les a créés, et lui prête des arrière-pensées perverses : Le serpent dit à la femme : « Pas du tout !Vous ne mourrez pas !Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » Ce n’est là que mensonge.

Le soupçon porté sur Dieu est un poison mortel qui empoisonne nos vies. Aujourd’hui comme autrefois, l’adversaire de Dieu attaque le croyant dans sa qualité de croyant, en le persuadant de se détourner de Dieu. La tentation la plus grave du baptisé, c'est d’abdiquer son titre de fils ou de fille de Dieu, de ne plus avoir confiance en lui, de vouloir se passer de lui. Le péché, c’est d’abandonner la maison paternelle, comme le fit l’enfant prodigue, pour chercher le bonheur ailleurs, loin de Dieu, comme ont voulu le faire Adam et Ève qui mirent en doute l’amour de Dieu pour eux et cherchèrent à se débarrasser de lui. C’est alors qu’ils découvrirent «qu’ils étaient nus», c'est-à-dire fragiles, vulnérables, laissés à eux-mêmes et voués à la mort. En ce début du Carême, Dieu nous adresse un appel solennel : « Revenez à moi de tout votre cœur… » C’est une supplication pressante de notre Dieu. Il ne veut que notre bonheur.

En syntonie avec la première lecture où Adam et Ève tombent dans la tentation, l'Église nous fait entendre le récit mystérieux de la tentation de Jésus au désert. Là où l’humanité a et continue de céder à la tentation, le Christ résiste et donne la force de tenir à ceux qui le lui demandent. Dans l’Évangile, Jésus est présenté comme un nouveau prototype d’humanité. Lui aussi est tenté, non par un serpent, mais un démon – dans le monde grec le « daïmon » était présenté comme un conseiller intérieur qui inspirait le jugement » - C’est au désert que Jésus se retire. L’évangéliste Matthieu nous dit que « Jésus, après son baptême, fut conduit au désert par l'Esprit pour y être tenté par le diable. »  Voilà l’Esprit Saint, que Jésus a reçu au jour de son baptême comme une investiture divine, qui veut que Jésus affronte un autre esprit, l’esprit du mal, l’esprit du mensonge. Jésus, donc, à peine investi par Dieu pour une mission de salut, qui est planté au cœur d’un éternel combat : le combat dont les premiers humains au jardin d’Éden avaient déjà été les victimes ; comme, à leur suite, tous les humains. L’Esprit divin veut que Jésus, lui aussi, connaisse la tentation diabolique.

Oui Jésus a été tenté. Il lui a fallu faire sans cesse des choix vitaux, des non à l’esprit du mal et des oui en obéissance à la volonté divine. La tentation est la même au jardin d’Éden et au désert. Il s'agit d'un dialogue entre deux voix, celle de Satan le Tentateur et celle de Dieu le Créateur. « Écoute ma voix », dit Satan. « Écoute la parole de Dieu », répond Jésus. Derrière ces deux voix, il y a deux Esprits. L’Esprit de Dieu qui est descendu sur Jésus lors de son baptême et qui maintenant le conduit au désert pour être tenté (Mt 4, 1) et l'Esprit du mensonge qui cherche à tromper par ses mirages et ses illusions. Les évangélistes nous présentent les tentations de Jésus au désert de façon symbolique. Ces tentations du désert seront celles qu’il rencontrera tout au long de sa vie : Tentation de faire du sensationnel, « d’épater » le monde pour paraître, tenté par les foules qui veulent le faire roi, tenté quand les gens qui lui réclament des miracles, tenté par Pierre qui le presse de renoncer à la folie de la croix, tenté par ses adversaires qui l’invite à descendre de la croix...

Comment Jésus se comporte-t-il face aux tentations du démon et aux apparents bons conseils qu’il lui donne ?

Jésus a résisté au tentateur et celui-ci fini par le quitter. Jésus sait très bien qu’avec Satan, on ne peut pas dialoguer. Car ses tentations sont aussi appétissantes que le fruit défendu de la Genèse Le Seigneur nous montre comment faire face à toutes ses attaques. Il nous invite à nous réfugier, comme lui, dans la Parole de Dieu. Les Écritures nous ouvrent le cœur de Dieu. Leur méditation, leur mise en pratique auprès de nos frères nous rapprochent de Dieu. C’est avec lui que nous trouverons force et courage dans notre lutte contre le mal. Avec le Christ, nous apprendrons à rejeter toutes les publicités mensongères qui courent à travers le monde et nous détournent de l’Évangile. La Lumière de la Parole de Dieu nous est offerte pour éclairer notre vie.

Nous sommes donc invités à vivre ces quarante jours comme un temps de combat lucide entre deux Esprits qui nous habitent, entre deux inspirations qui nous poussent dans nos choix quotidiens. La tentation est peut-être moins une épreuve qu’une occasion de vérifier notre capacité de résister, de lutter et donc de grandir. Mais dans ce combat, Dieu ne nous laisse pas seuls. Jésus y est passé en vainqueur par sa Pâque. C’est pourquoi saint Paul est plein d’optimisme et nous invite à ètre participants de cette victoire du Christ. Il prend comme point de départ le salut accompli par le Christ. De l’universalité du péché originel il aboutit à l’universalité du salut en Jésus Christ. C’est en quelque sorte le Nouvel Adam qui éclaire le Premier d’une lumière nouvelle et vient restaurer en l’homme la bonté originelle voulue par Dieu. Le Christ nous donne la force de traverser avec lui toutes les difficultés de la route. Que le Christ vainqueur du Tentateur soutienne nos efforts et luttes de ce temps de Carême et qu’il nous rende victorieux maintenant et à jamais.

Ab. Lucien ZOMBRE

Publié dans Homélies dominicales

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